INTERVIEW STEVEN WILSON / MIKE PORTNOY
Nos collègues du fanzine Progressia ont eu l'extrème gentillesse de mettre cette interview à notre disposition. Elle a été réalisée par Julien le 04 octobre 2000.
C'était un
bien beau challenge que la rédaction de Progressia s'était fixé en septembre
: réunir pour une interview exclusive le leader incontesté de Porcupine Tree,
Steve Wilson, et le porte-parole de Dream Theater, l'incontournable Mike Portnoy,
à l'occasion de leur tournée européenne commune.
Un rendez-vous qui a maintes fois failli tomber à l'eau pour des raisons de
timings très serrés. En vérité, rien n'aurait pu se faire sans la bonne volonté
des interviewés. Mention spéciale à Steve, qui, contrairement à son image de
musicien inhibé, a littéralement organisé la rencontre. Tant d'égards vis-à-vis
d'un fanzine (on n'est pas le NME !) mérite plus que le respect ! C'est donc
dans une ambiance très décontractée, après le concert de Dream et dans la loge
de Mike, que nous nous sommes retrouvés pour une interview très particulière,
sous la forme d'un blind-test dont le fil directeur était les influences communes
existants entre Mike et Steve.
Même si le but n'était pas de trouver les morceaux le plus rapidement possible,
force est de reconnaître que Mike est très doué, et que Steve lui donne très
bien la réplique.
Vous pouvez retrouver la première partie de cette interview (questions générales
sur la tournée, etc…) dans Your Majesty, magazine du fan club officiel de Dream
Theater.
PROGRESSIA
: Mike, encore une fois, tu as choisi un grand espoir de la scène progressive
en première partie. Pourquoi Porcupine Tree ?
Mike PORTNOY : Nous sommes toujours très fiers d'avoir d'excellentes
premières parties et nous adorons Porcupine.. C'est à moi que revient le choix
de la première partie et ce doit être un groupe que je peux voir et apprécier
chaque soir, sur le côté de la scène. Steve a envoyé un e-mail à John, John
me l'a renvoyé et j'ai tout de suite été partant car je les suis depuis plus
de deux ans maintenant. Nous nous sommes occupés ensemble de gérer la logistique
et le matériel de la tournée et les voilà ! C'est un plaisir pour moi de voir
leur show chaque soir.
Et comment
définirais-tu Porcupine Tree, de ton point de vue de musicien ?
Mike :
On peut difficilement comparer un groupe à d'autres groupes, mais…
Steve : Je te vois venir… (rires) !
Mike : Porcupine Tree, c'est la combinaison de cinq groupes que j'adore
: Radiohead, le nouveau Marillion, Pink Floyd, U2 et Jane's Addiction.
Steve : J'adore cette comparaison !
Et toi Steve, comment définirais-tu la musique de Dream Theater ?
Steve : Franchement, je ne connaissais pas bien Dream Theater jusqu'à
récemment. Il faut savoir que l'Angleterre est le pire endroit au monde pour
écouter de la bonne musique progressive. Ce doit être parce que les anglais
l'ont inventé… ils sont tellement embarrassés par le genre qu'ils ont crée aujourd'hui
! Notre management nous a parlé de la tournée de Dream Theater, qu'ils pourraient
être partants pour nous avoir en première partie. Je me suis donc procuré Scenes
From A Memory… qui m'a coupé le souffle ! C'est certes une musique très technique,
ce dont je ne suis pas grand fan, mais ils ont ce côté Heavy, tant dans leurs
rythmiques que dans leurs solos, que j'apprécie énormément. Il y a cette chanson
sur l'album qui commence comme ca : " tin nin, nin, nin, nin, nin…"
Mike : "Beyond This Life" (ndlr : il s'entraîne déjà pour la suite !
!) !
Steve : Cette chanson, ces riffs bien sombres et bien lourds ! Je suis
allé les voir en concert en Angleterre pour SFAM et j'ai pu rencontrer John.
On s'est alors arrangés. On leur a dit que l'on souhaitait tourner avec plusieurs
groupes, ils nous ont dit qu'on devait faire toute la tournée, sinon on pouvait
aller se faire foutre, alors on a accepté (rires) !
Cette tournée
en commun illustre une conception de la musique que vous avez en commun, à savoir
que le Progressif doit avoir une définition très large…
Mike
: Nous sommes les deux extrêmes de ce que peut engendrer le Progressif : nous
sommes le côté technique et Métal de cette musique, tandis que la musique de
Porcupine Tree est bien plus…
Steve : Lente et bâclée (rires) !
Mike : … ils utilisent plus de samples, ils sont une mutation de Radiohead
et de Pink Floyd. Ce sont deux extrêmes de racines communes. Steve, tu approuve,
je suppose…?
Steve : Tout à fait. J'avais d'ailleurs peur des réactions du public
face à notre musique. Nous avons essayé d'être plus Heavy en live, à défaut
d'être plus technique, et la réaction des spectateurs a été excellente. Ils
ont apprécié notre Rock sophistiqué et non uniquement une musique agressive
et technique. Ils ont apprécié…
Mike : La qualité de la musique tout simplement !
Steve : Absolument !
Vos set
lists respectives sont les plus Heavy jamais jouées en France. En dehors du
Prog' Metal, point de salut en Europe ?
Mike
: Nous allons dans cette direction depuis le début. Le Progressif avait pris
une seule et unique direction dans les années 80 avec Marillion et tous ses
clones. Incorporer du Métal était pour nous une évidence, le résultat de notre
culture musicale (Metallica, Black Sabbath, …). Puis notre musique a influencé
tous ces nouveaux groupes en Europe. Cependant, de notre point de vue, le Métal
n'est qu'une composante de notre identité : le Métal, la technique instrumentale
et la Pop, pour nos chansons les plus lentes, où les influences de U2 ou Peter
Gabriel se font sentir. La set list de cette tournée était pour nous un moyen
de nous éloigner de SFAM. Nous l'avons joué plus d'une centaine de fois en entier
sur scène… C'était l'occasion de revenir sur l'ensemble de notre carrière.
Pour toi Steve, cet aspect Heavy est en revanche assez nouveau…
Steve : Mes goûts musicaux depuis ces deux dernières années tendent de
plus en plus vers le Heavy et le prochain album de Porcupine lui aussi sera
influencé par cette tendance. J'écoute Morbid Angel, Messugah, Sepultura, des
groupes on ne peut plus lourds, et c'est ce qui me botte en ce moment. C'est
pourquoi intégrer cette facette dans la set list, devant un public de métalleux,
est un vrai plaisir pour moi.
BLIND TEST
PINK FLOYD "The Happiest Day Of Our Lives" (The Wall)
Mike : (5 secondes, le temps d'entendre le speaker avant le début de
la chanson) c'est Pink Floyd, The Wall…
Le titre ?
Mike
: "The Best Years Of Our Lives" ?
"The Happiest Day Of Our Lives" (ndJ : je sais, c'est facile quand on a fait
la sélection !).
Steve, je suppose que tu en as marre d'entendre parler de Pink Floyd. Mais,
franchement, cette influence est incontournable chez Porcupine Tree…
Steve : c'est vrai. On nous compare constamment à Pink Floyd. Les gens
croient que j'écoute leurs disques toutes la journée. Certes, je les écoutais
étant adolescent, mais je n'ai pas mis un de leurs disques depuis des années,
surtout avec ce qu'ils font maintenant… . En fait, je crois que ce que l'on
écoute à l'adolescence est ce qui a tendance à laisser sur soi les impressions
les plus fortes, les plus tenaces. Et des gens qui ne se connaissent pas entre
eux continuent de me parler de Pink Floyd pour qualifier Porcupine Tree : c'est
bien qu'il existe un lien… Mais c'est vraiment étrange et difficile pour moi
d'entendre aujourd'hui que Porcupine est le nouveau Pink Floyd, surtout que
je ne suis pas de leur génération et que notre musique va beaucoup plus loin
que cela. C'est ainsi, malgré le fait que je pense qu'il y a beaucoup plus de
Fripp (qui est mon guitariste préféré) que de Gilmour dans mon jeu.
Pour toi, Mike, je sais que Dream Theater avait emporté The Wall en studio
lors de l'enregistrement de Metropolis - Part 2. Une influence majeure…
Mike : The Wall est pour moi le plus grand album de tous les temps !
Il y a tant de choses chez Pink Floyd… Evidemment avec le quatuor Dark Side
of the Moon, Wish You Were Here, Animals et The Wall, mais aussi dans leurs
albums plus anciens comme le Live At Pompei et Atom Heart Mother… Pink Floyd
est l'un de mes trois groupes préférés et je les écoute encore souvent. Je n'apprécie
pas trop les derniers albums, que je considère plus comme des albums solos de
Gilmour. Mais leur influence, à la fois sur moi mais aussi sur le reste du groupe,
est énorme et quand il s'est agit de faire SFAM, un concept album, nous nous
sommes naturellement tournés vers The Wall pour trouver notre inspiration. Une
chanson comme "The Spirit Carries On" est incroyablement "Pink Floydesque".
La question que tout le monde se pose désormais, c'est : comment écrire un
album traditionnel après une expérience aussi marquante que SFAM ?
Mike : Je n'en sais rien ! On verra quand on y sera (rires) ! Je ne pense
pas que l'on refasse un concept album. Nous verrons où nous irons, nous n'avons
jamais eu d'à priori sur la musique. Nous composerons et attendrons de voir
ce qui sortira.
Steve, souhaites-tu refaire un concept album ?
Steve : Je n'en ai pas encore écrit un…
Tout de même, Voyage 34 ou The Sky Moves Sideways…
Steve : En fait je n'aime pas les concepts albums dans lesquels les chansons
ne sont que des blocs s'enchaînant les uns aux autres dans le but de servir
un concept. Pour moi, le concept narratif dirige le "flow" de la musique, et
lorsque j'essaie d'écrire des chansons, la musique doit, dans ma conception,
s'assembler selon ce qui a le plus de sens de mon point de vue, et non pas selon
ce qui a le plus de sens d'un point de vue narratif ou lyrique. Lorsque l'on
réalise un concept, on ne peut pas s'arrêter, car lorsque l'on trouve enfin
la bonne idée, la chanson phare, impossible de la caser car la narration vient
tout remettre en question et…
Mike : Il y a un moyen de la faire en vérité, et c'est que nous avons
fait avec SFAM. Nous avons écrit toute la musique en premier, car c'est ainsi
que nous procédons habituellement, tout préparé, en retenant un début, une fin
pour l'album. Ensuite, nous avons passé beaucoup de temps à diviser la musique
en séquences, puis en les modifiant, dans le seul but d'obtenir le meilleur
"flow". Une fois fait…
Steve (très attentif aux explications de Mike) : Vous avez écrit et posé
les paroles…
Mike : Nous avons écrit l'histoire après avoir composé cette pièce de
77 minutes de musique. Ensuite nous avons divisé l'histoire en chapitres, pour
les assignés à chaque séquence musicales.
Steve : C'est la seule façon de le faire ! Mais j'en serai incapable,
car je suis un chanteur et un songwriter qui compose de façon traditionnelle.
Je cherche une mélodie, les vocaux découlent des accords, puis les paroles et
j'obtiens alors une chanson. Je commence à travailler avec un groupe de chansons
courtes et de mélodies, et je les combine de manière à obtenir un album. Je
ne peux pas travailler dans l'optique d'un concept narratif. Signify était peut
être un concept album, les chansons traitant du même sujet, mais elles ne sont
pas structurées de manière à raconter une histoire.
Mike : Beaucoup de gens disent que Sergent Pepper ou Dark Side sont des
concept albums, mais au niveau des paroles, ce n'est absolument pas le cas.
Musicalement, d'accord. Il y a une différence entre un album dont se dégage
un feeling propre, comme disons Thick As A Brick, quoique celui-ci puisse avoir
un concept, et un album basé sur un concept qui a une histoire, comme The Lamb
Lies Down On Broadway ou The Wall.
RADIOHEAD
"Climbing Up The Walls" (OK Computer)
Mike (trois secondes) : Porcupine Tree, "Shemoveson" (ndlr : très, très
révélateur…) !
Steve : Non (rires) ! C'est "Climbing Up The Walls" de Radiohead !
Est-ce que le succès de Radiohead prouve que l'on peut s'adresser aux masses
tout en étant expérimental ?
Steve : Je vais te dire ce que je pense de Radiohead. En Angleterre,
Radiohead venait d'un milieu Indé (ndlr : Rock Indépendant) et assez obscur,
et c'est bien là que l'on peut expliquer le succès de Radiohead et l'anonymat
de Porcupine Tree, qui vient de la scène progressive. Radiohead illustre une
chose : c'est qu'il est bien plus facile de faire de la musique sophistiquée
quand on vient de la scène Indé, milieu très à la mode et mondain. Je trouve
que le premier album de Radiohead est assez mauvais, que le second contenait
de grandes chansons et que OK Computer est un chef d'œuvre. C'est là qu'ils
sont devenus expérimentaux. Pour moi, OK Computer aurait été leur premier album,
ils n'auraient même pas pu signer de contrat avec une maison de disques. Porcupine
Tree a bataillé pendant des années pour devenir comme Radiohead, nous sommes
sophistiqués depuis le début. Mais eux avaient un plan marketing, de très bons
contacts avec la presse musicale du fait de leur appartenance à cette scène
mondaine. C'est pourquoi ils ont pu faire la différence…
On revient à l'attitude des médias, à leur volonté de tout catégoriser…
Steve : Oui, Radiohead ne s'est jamais revendiqué de la scène progressive.
Même maintenant, la presse n'aime pas cette référence, et Radiohead ne se réclame
toujours pas de cette influence. C'est pourtant si évident que Floyd et Crimson
ont eu un impact sur eux, et pourtant ils ne les citent jamais en interviews.
Oui c'est Progressif, oui c'est du Rock sophistiqué, et nous devons être reconnus
pour cela !!!
Mike, je suppose que tu es d'accord avec ces commentaires…
Mike : Tout à fait. Je pense qu'ils n'ont pu expérimenter de la sorte
qu'après le succès de Creep. Sans ce single, ils seraient probablement tombés
dans l'oubli après un album comme OK Computer. Il suffit de voir U2. Si on écoute
leurs deux premiers albums, on se rend compte qu'ils sont incroyablement primitifs.
Puis leur musique est devenue de plus en plus expérimentale. De même pour les
Beatles, quand on écoute la manière dont ils enregistraient leurs premiers disques.
Mais j'adore Radiohead, un des groupes que je préfère ces dernières années.
Leurs chansons sont entêtantes, mélodiques, mais leur production est si expérimentale…
. J'ai reçu leur dernier disque hier (ndlr : nous sommes à l'avant-veille de
la sortie de Kid A). J'ai juste eu le temps de l'écouter une fois, alors je
ne peux pas donner d'avis mais c'est…
Incroyablement expérimental…
Mike : Oui, c'est la première chose qui m'a frappé : la musique n'est
plus basée sur des chansons. Même OK Computer, qui est très expérimental, reste
centré sur des chansons, de superbes mélodies. Mais il faudrait que je le creuse
au moins une vingtaine de fois avant de me faire une opinion.
Steve, vous devriez tout faire pour tourner avec ces gars, ce serait la tournée
ultime ! Vous avez tant en commun !
Steve : Absolument, le problème est que le reste du monde veut faire
leur première partie ! C'est le meilleur groupe pour vous légitimer et vous
faire connaître…
Mike : Vous devriez essayer, s'ils vous découvrent…
Steve : Je sais qu'ils s'intéressent à tout, qu'ils sont très ouverts,
mais je ne pense pas qu'ils soient très chauds pour….
Mike : Un groupe de Progressif…
Steve (las) : Oui, et pourtant, il est si évident que nous avons des
choses en commun. C'est comme ca que les choses fonctionnent en Angleterre…
Mike : Je connais ca… L'Angleterre est notre pire marché (ndlr : pas
la première fois que Mike se plaint de la perfide Albion). Jusqu'à récemment,
nous avons souffert de cette catégorisation, du "Classic Rock"… Les magazines
de Métal nous avaient bannis de leurs colonnes du fait de notre côté technique
et de leurs a priori contre le Progressif. L'Angleterre est d'ailleurs toujours
réticente envers nous.
Steve : Je m'en suis rendu compte en voyant à quel point Dream Theater
est énorme en dehors de mes frontières !
MARILLION
"Under The Sun" (Radiation)
Mike (10 secondes) : C'est Marillion !
Steve (surpris) : Ah bon ?!
Mike : Oui, j'aurais de toute façon trouvé avec la voix de Steve Hogarth
!
Steve, tu les as produits sur Marillion.com…
Steve : C'est justement à cause de ce que nous venons d'écouter qu'ils
m'ont demandé de les produire ! Ils souhaitaient avoir un meilleur son que sur
Radiation, avoir un son plus ouvert, avec plus de texture, c'est pourquoi ils
ont fait appel à moi. Je n'avais d'ailleurs jamais écouté Radiation auparavant.
Tu serais intéressé par produire d'autres artistes ?
Steve : je viens de terminer la production de deux nouveaux artistes
: Opeth, un groupe de Dark Metal Progressif de Suède. Un groupe fabuleux ! Tu
les connais ?
Oui…
Steve : Vraiment extraordinaire ! Vraiment sombre ! Et j'ai produit un
album de Jazz réalisé par la fille d'un saxophoniste, Jan Garbareck, qui sortira
l'année prochaine.
Quant à toi Mike, tu as une longue histoire commune avec Marillion…
Mike : Je suis fan de Marillion depuis le Script For A Jester Tour, pour
lequel ils ouvraient pour Rush. Je les suis donc depuis le début. Dream Theater
a ouvert pour eux aux Etats-Unis lors des premières dates avec Steve Hogarth.
Puis Steve Rothery et Steve Hogarth ont joué avec nous au Ronnie Scott en 1995
et Pete Trewavas joue avec moi au sein de Transatlantic. Et il y a plus que
de simples connexions musicales avec Marillion. Misplaced Childhood et Clutching
At Straws sont des albums qui me sont très chers, deux de mes favoris. Ils ont
eu une grande influence sur mon travail de parolier pour Dream Theater. Et j'apprécie
également la période Hogarth. Nous avions parlé de tourner ensemble… Je ne sais
pas si cela se fera un jour, mais j'aimerais vraiment beaucoup.
SLAYER
Guilty (Undisputed Attitude)
Mike : Slayer, une reprise non ?
Oui, une reprise Punk sur l'album Undisputed Attitude.
Mike : j'ai trouvé grâce à la voix de Tom Arraya !
Steve, j'ai été surpris d'apprendre que tu appréciais ce genre de musique
!
Steve : Reign In Blood est un de mes albums favoris…
Mike : De même pour moi…
Steve : Les gens ont l'habitude de t'appréhender par rapport à la musique
que tu joues, ce qui explique cette référence à Pink Floyd. Miles Davis est
mon artiste favori, mais on ne retrouve rien de Davis dans Porcupine Tree. On
a en commun avec Slayer ce côté un peu miteux (rires) !
Mike : Pas besoin d'aller chercher si loin pour moi (rires) ! On retrouve
ce côté Thrash dans mon jeu, ce qui fait la puissance de Dream Theater, qui
vient aussi du jeu de John Petrucci. J'avais l'habitude d'utiliser du Slayer
dans mon solo de batterie il y a quelques années. On a fait quelques shows avec
eux, dans des festivals en Allemagne, en Finlande et au Brésil. Dream Theater
peut jouer avec Slayer, Pantera et Megadeth, tout comme il peut jouer avec Elton
John, Rod Stewart… . De telle sorte que nous sommes amis avec tout le monde…
et personne en même temps (rires) !
Je mets involontairement la cassette sur l'autre face...
Steve : c'est "A Perfect Circle" n'est ce pas ?
Exact. En fait j'ai hésité à l'inclure car si je savais que Mike est un grand
fan de Tool, je ne savais pas ce qu'il en était pour toi…
Steve : j'adore, ils sont fascinants !
Ils ont fait la meilleure vente US pour un premier album !
Steve : Mieux que Britney Spears ? Ca m'étonne, je ne les croyais pas
aussi bon (rires) !
KING CRIMSON "Into The Frying Pan" (The ConstruKtion of Light)
Steve (5 secondes) : King Crimson, The ConstruKtion Of Light. C'est un
album affreux !
Mike : Je les ai adoré avec Tony Levin et Bill Bruford. Depuis qu'ils
ont quitté le groupe, King Crimson m'intéresse moins. Mais j'adore leur album
Thrak.
Steve : Je trouve que King Crimson est un peu… fatigué sur cet album.
Ce que j'ai toujours adoré avec KC, c'est qu'à chaque fois qu'il faisait son
retour, il se réinventait complètement, de leur premier album à Islands, puis
Red qui va dans une direction complètement différente, puis les années 80… .
Et quand ils sont revenus avec Thrak (ndlr : en 1994 et 1995), ils proposaient
une sorte de mélange de tout ce qu'ils avaient fait auparavant, sans toutefois
être aussi innovateurs. Je travaillais avec Robert Fripp peu de temps avant
qu'il ne sorte cet album, et il me disait que les groupes qui marchaient à l'époque,
comme les Red Hot Chili Peppers, s'étaient inspirés de lui en jouant cette sorte
de Funk Metal. Et il était vraiment déçu, il me disait que King Crimson avait
beaucoup d'influence sur ces groupes, Primus également, et qu'il n'aurait jamais
le même succès au Bilboard… . Et il a sorti cet album avec tous ces synthés,
ces percussions électroniques, avec des influences Drum & Bass, presque Techno.
Vous connaissez les ProjeKts ?. Je trouve que le groupe paraît beaucoup plus
vivants sur ces disques que sur The ConstruKtion Of Light, qui est bien trop
mathématique, trop "Fripp". Les ProjeKts ont beaucoup plus de personnalité,
alors que Crimson semble avoir perdu un peu de l'esprit qui l'animait.
Fripp a également une conception intéressante de l'industrie musicale, contre
laquelle il est en lutte avec sa propre maison de disques, Discipline…
Steve : Absolument ! Il en avait besoin avec tout ce qu'il produit !
Dix albums de soundscapes (ndlr : musique ambiante à base de guitares trafiquées),
quinze albums de King Crimson jammant en studio (rires) ! Ca en devient presque
malsain (rires) ! Mais pour les fans, c'est fantastique !. Je n'en peux plus
d'attendre les démos de The ConstruKtion…, le mixage de The ConstruKtion… (rires)
!!! Parce qu'ils vont arriver, c'est sûr !!!
Pour conclure, Steve, pourrais-tu poser à Mike une question qu'il ne veut pas entendre ?
Steve
: Je ne sais pas… quand vas-tu me demander de produire Dream Theater (rires)
?
Mike : En vérité, c'est une bonne question car j'adore la production
de Steve, notamment sur les derniers Porcupine Tree, et également sur les derniers
albums de Fish. Je suis certain que Steve a toutes les capacités pour nous produire,
mais Dream Theater est désormais très autonome. Aujourd'hui, John Petrucci et
moi sommes capables de nous occuper de tout et j'adore avoir ce genre de… contrôle.
Mais j'aimerais beaucoup travailler avec toi sur un projet type Transatlantic
ou autre.
Peut-être le début d'une prochaine collaboration…
Mike : J'aurais adoré travailler avec Steve pour Transatlantic. Transatlantic
va où veulent bien l'emmener les membres qui y sont impliqués. Si le premier
album est si Progressif, si "Old School", c'est bien à cause des membres qui
le composent. Au début, je pensais à Jim Matheos de Fates Warning pour Transatlantic.
S'il avait rejoint le groupe, ce dernier aurait été nettement plus orienté Métal.
De même si Steve avait participé, Transatlantic aurait évolué vers quelque chose
de plus spatial et mélodique, vers du Pink Floyd (rires) ?!? Ce côté mélodique
de Steve, cela aurait été fabuleux de le retrouver sur Transatlantic. L'idée
derrière Transatlantic était de regrouper les têtes pensantes de chaque groupe
: Neal est le leader des Spock's, Jim Matheos celui de Fates Warning, Roine
pour les Flower Kings…
Et tu as devant toi un leader également !
Mike : Et un fabuleux guitariste, compositeur, chanteur, producteur…
Steve avait vraiment le profil idéal pour un tel projet .
Et toi Mike, as-tu une question pour Steve qu'il ne voudrait pas entendre
?
Mike : Steve, veux-tu rejoindre Transatlantic (rires) ?
Steve : Est-ce un projet centré sur un album, ou prévoyez-vous d'en faire
un autre ?
Mike : Il n'était prévu de n'en faire qu'un, mais le premier a eu un
tel succès et s'est tellement bien vendu que tout le monde veut en faire un
nouveau.
Steve : Et bien alors… pourquoi pas (rires) !